Capture d'écran d'une interview donnée par Mgr Tony Anatrella en 2014 à la chaîne Sel et lumière.
Prêtre et psychanalyste, Tony Anatrella est accusé depuis de nombreuses années d'avoir abusé de ses patients. La Vie a mené l'enquête.
" J'ai essayé d'oublier. " Fabien (les noms des témoins ont été changés), la quarantaine, fixe de ses yeux bruns aux sourcils broussailleux un point imaginaire : " Mais ça ne disparaît jamais. " Mi-septembre, il a enfin pu raconter ses 14 ans de " thérapie " devant la toute nouvelle commission créée pour se pencher enfin sur le cas Anatrella, le célèbre prêtre et psychanalyste accusé depuis plusieurs années d'avoir abusé sexuellement de certains de ses patients.
Devant la commission menée par Éric de Moulins-Beaufort, évêque auxiliaire de Paris, Fabien - que La Vie a rencontré - a expliqué comment, en 1997, le jeune catholique qu'il était a connu Tony Anatrella par l'entremise de son accompagnateur spirituel. " Qui de mieux qu'un prêtre psychanalyste pour m'aider à faire face à un mal-être dans ma vie ? ", se souvient-il.
Au début, cela se passe bien : il parle, se sent mieux. " Très vite, les échanges s'orientent vers la sexualité. Pourquoi pas ? " Mais vers 2010, le psychanalyste propose une autre approche : " Pour pouvoir résoudre un déficit d'affection de la part de mon père, né dans l'enfance, il m'a dit qu'il fallait que je puisse la vivre avec mon sexe d'homme pubère. Il m'a proposé un "passage à l'acte" avec lui. " Fabien sort avec des filles et n'est pas attiré par les hommes : " Je décline d'abord. Mais au bout d'un moment, j'accepte ; j'espérais vraiment que ça me ferait progresser dans ma thérapie qui s'essoufflait. "
Il n'y avait pas de plan à suivre et aucune limite ; j'ai compris que la fin était de coucher ensemble.
" Il n'y avait pas de plan à suivre et aucune limite ; j'ai compris que la fin était de coucher ensemble. J'ai arrêté ces séances particulières quand j'ai touché son sexe, cela ne m'a pas plu du tout. " Particulières, ces séances l'étaient à tout point de vue. " Aucun rendez-vous écrit, rencontres le soir après 20 heures ou le samedi matin, sans la présence de son assistant et sans paiement, note Fabien. Il y en a eu une dizaine, étalées sur un an. Je faisais mes séances hebdomadaires classiques à côté. " Fin 2011, sur Internet, Fabien découvre que trois patients de Tony Anatrella ont porté plainte en 2006 pour " agressions sexuelles ". " Mon déclic : il niait... mais moi, j'étais en train de le vivre ! "
Plusieurs témoins se sont confiés à La VieNous avons retrouvé ces témoins. Le premier est un ancien séminariste de la Mission de France. Daniel Lamarca livre en 2006 les dessous de sa " thérapie " à la revue Golias. Interrogé aujourd'hui par La Vie, il persiste : " Il a manipulé mon sexe, m'a masturbé. Lui-même a joui, nu, du moins presque entièrement car il n'enlevait pas ses chaussettes. " Daniel Lamarca n'a jamais pensé porter plainte : les faits sont prescrits et il le sait. Il dit en avoir parlé à l'archevêque de Paris, le cardinal Lustiger, et assure que ce dernier n'a jamais donné suite.
Toujours en 2006, au mois de mars, une autre victime présumée, Marc, choisit la justice plutôt que les médias : il envoie une lettre au parquet de Paris. L'enquête préliminaire est lancée en août. Deux plaintes viennent s'ajouter, mais en 2007, le juge prononce un non-lieu. Officiellement, l'affaire Anatrella est close.
Pourtant, en 2014, Fabien se confie à un prêtre parisien, qui en informe son archevêque, le cardinal André Vingt-Trois...