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Violence positive et rave party... Comment Gisèle Vienne électrise la danse contemporaine

La chorégraphe présente actuellement à Paris son nouveau spectacle, "Crowd", qui se focalise sur la foule et les corps.

Malgré les apparences, Gisèle Vienne n'est pas qu'une chorégraphe : c'est parfois un trio. Pour une fois qu'elle délaisse ses pièces sauvages avec des marionnettes, la Franco-Autrichienne partage ses créations avec l'écrivain Dennis Cooper et le DJ britannique Peter Rehberg. Déjà quatre pièces à leur actif : Apologize (2004), Une Belle Enfant blonde (2005), Kindertotenlieder (2007), et Jerk (2008), et, cette année, Crowd, des retrouvailles scéniques qui incarnent une fois encore ses obsessions et son style si particulier.

La rave party, une danse païenne

Dans Crowd, le trio s'intéresse au rapport entre la fête et la violence en donnant corps à une foule, incarnée par une quinzaine de danseurs, dans une ambiance de rave party.

Gisèle Vienne s'est inspirée de sa propre expérience, lorsqu'elle était adolescente. " Je souhaitais mettre en scène une fête contemporaine qui emprunte aux rituels païens. Les raves incarnent parfaitement cette idée. Elles sont des expériences physiques et psychologiques très fortes. Je suis allée en rave party dans les années 90. A l'époque, j'habitais à Berlin, donc j'ai fréquenté une scène passionnante, portée par la musique électronique, la techno... Il me paraît intéressant de mettre en exergue le fait que ces cultures alternatives, inventées par chaque nouvelle génération, ne sont pas des endroits vains où on va avec le seul but de s'amuser, mais des lieux qui répondent souvent à des recherches beaucoup plus profondes, à des envies d'expériences très fortes "

Un recrutement des danseurs à la Pina Bausch

Comme la fondatrice du Tanztheater Wuppertal, Gisèle Vienne choisit ses interprètes autant pour leurs qualités humaines que leurs talents de danseurs. " J'ai fait d'abord une série de workshops et de laboratoires de recherche, j'ai rencontré un grand nombre de danseurs et j'ai procédé à de nombreuses auditions.

Ambiance rave party dans Crowd, mêlant la fête à la violence.

© Estelle Hanania

Ils ont été choisi au compte-gouttes, chacun m'a semblé fabuleux pour mille raisons : ce sont aussi des personnes à la fois talentueuses en leurs qualités d'interprètes mais aussi en tant qu'humains, dotés d'une grande générosité, capables de gentillesse, qui ont une grandeur d'âme nécessaire pour pouvoir travailler en groupe. " La violence positive

Comme dans Le Sacre du printemps de Pina Bausch, la terre, le rituel et le sacrifice sont réinvestis sur scène. Mouvements saccadés, rythmés, retouchés, les danseurs sont en transe. Après avoir mis en scène la violence extrême avec ses marionnettes dans Jerk (2008), où elle abordait des sujets tabous comme la torture et le viol, Gisèle Vienne propose aujourd'hui une vision plus nuancée dans Crowd. " Je m'intéresse aux différents types de comportements violents et à la manière dont le groupe sait les gérer, les absorber ou non. La violence n'est donc plus le sujet central de l'œuvre, mais juste une partie. En conséquence, la pièce en présente un aspect plus jubilatoire, plus sensuel, empli d'amour et d'affection. Si on va à un combat de catch ou à une battle de danse, on assiste à un spectacle de comportements violents mais cadrés, qui génèrent de l'allégresse, de la cohésion sociale. Cela s'appelle la violence positive. C'est ce sujet qui me préoccupe. La question pour moi plus essentielle n'est pas de savoir comment évincer la violence, mais plutôt comment reconnaître celles inhérentes à l'homme civilisé, et les exprimer sans mettre en péril la communauté. "

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