Retour en 2019
En 2019, après un seul petit match de préparation contre la France, à Nantes, on avait laissé la Bolivie au fin fond du groupe A. Écrasés par les Brésiliens lors du match d'ouverture de la Copa, les Boliviens n'avaient pas su relever la tête au match suivant, face au Pérou, et s'étaient inclinés 3-1, malgré l'ouverture du score du goleador maison Marcelo Moreno. Lors du dernier match contre le Venezuela, la Bolivie, qui pouvait encore espérer atteindre les quarts via le système de meilleur troisième, subira la loi d'un Darwin Machís en feu et se fera sèchement battre sur le même score de 3-1. La Verde rentrera au pays la tête basse avec le sentiment d'être largement passée à coté de sa compétition.
Deux ans après, où en donc est la Bolivie ? Le sélectionneur de la Copa América 2019, Eduardo Villegas, a été licencié après une série de mauvais résultats et a été remplacé par César Farías, un technicien vénézuélien. Un sélectionneur qui a dû débuter dans l'adversité la plus totale, la faute à des problèmes internes à la Fédération. "C'est une cacophonie générale" confie Thomas Allain. "Après le décès de l'ancien président de la fédération, César Salinas, les conflits pour sa succession se sont multipliés au sein de la Fédé et Farías n'a pas pu disposer des joueurs de Bolivar, par exemple, lors des matchs de qualifications contre le Brésil et l'Argentine".
Des divisions entre l'exécutif et le sportif qui auraient pu mettre encore plus en danger la sélection à quelques mois de la compétition. Pourtant, la Bolivie reste la bonne surprise des phases qualificatives au Mondial 2022. Dans une belle forme, elle vient d'enchaîner trois matchs sans défaite (une victoire et deux nuls) et séduit les observateurs par l'état d'esprit affiché. "C'est un pays qui sait qu'il n'a pas grand-chose à perdre" raconte Thomas. "L'état d'esprit insufflé est positif même si pour le match face au Chili, ils s'en sortent bien en revenant avec le point du nul. Mais ils sont allés le chercher".
Parue le 10 juin, la liste de César Farías est dans la continuité des derniers rassemblements. "C'est une liste qui sera composée à 90% de joueurs évoluant dans le championnat national. Elle ne sera pas très attendue car tout le monde sait déjà qui sera dedans et qui n'y sera pas, même si on n'est jamais à l'abri d'une surprise. Le suspens sera plus sur le schéma tactique qu'utilisera Farías. On devrait vraisemblablement se diriger vers un 4-1-4-1 avec un système défensif".
Dans les buts, pas de surprise. L'immense Carlos Lampe devrait rempiler pour une Copa supplémentaire. Excellent gardien, Lampe est une des valeurs sûres de cette équipe de Bolivie et un leader sur lequel s'appuyer. Derrière, la ligne de quatre sera probablement plus un casse-tête pour le sélectionneur. Pour Thomas, c'est là que le bât blesse : "Si César Farías semble avoir trouvé sa formule chez les latéraux et dans l'axe avec Luis Haquin et Quinteros ou Jusino, la défense reste le plus gros point faible de cette sélection. Il y a des erreurs défensives impardonnables à ce niveau-là et ça a coûté des points contre l'Equateur et l'Argentine, notamment".
Au milieu, la sentinelle devrait s'appeler Leonel Justiniano, placé ici pour effectuer les basses besognes et s'occuper des premières relances. Placé dans l'axe dans la ligne de quatre, l'inamovible Juan Carlos Arce, 36 ans et ancien capitaine de Bolivar, agira plus probablement comme un complément défensif à Justiniano. A ses côtés, Boris Céspedes, du Servette F.C, sera le milieu plus offensif du duo, en l'absence du taulier Alejandro Chumacero, non retenu. Sur les ailes, Henry Vaca, ailier "qui apporte beaucoup de percussion" devrait être aligné, au même titre que Erwin Saavedra, qui sera son pendant sur l'aile droite.
En pointe, la légende Marcelo Moreno sera à coup sûr le titulaire et le premier nom couché sur la feuille de match par César Farías. Ramallo et Gilbert Álvarez ne devraient avoir que très peu de minutes durant la compétition. Il sera intéressant de suivre aussi le parcours de Roberto Fernández et de Jaume Cuéllar, deux jeunes joueurs qui incarnent l'avenir de la sélection.
Pour Thomas Allain, l'autre point faible de la sélection sera son manque de vivier : "Le problème c'est que César Farías n'a à sa disposition que 18-19 joueurs compétitifs. Ce qui rend impossible ou presque les variations de schéma tactique. En plus de ça, le championnat n'a disputé que sept rencontres depuis le mois de janvier, et les joueurs seront forcément à court de forme physique".
C'est donc une Bolivie diminuée mais relativement en confiance qui s'avance aujourd'hui sur le sol brésilien.
On ne va pas vous mentir, si la Bolivie dispose de quelques bons joueurs de ballons, aucun n'arrive à la cheville de Marcelo Moreno Martins. Triple M ou encore El Flechero (l'Archer) sera l'atout offensif numéro un de La Verde. Fils de l'ancien joueur brésilien Mauro Martins, Triple M est un joueur élégant à voir mais surtout un véritable machine à buts. "C'est la réponse classique" confesse avec un sourire Thomas. "Marcelo Moreno Martins est un joueur redoutable de la tête et qui possède un sens du placement au-dessus de la moyenne". Ancien meilleur buteur de la Copa Libertadores avec Cruzeiro il y a quelques années, El Flechero est l'actuel meilleur buteur des éliminatoires avec six buts (sur neuf inscrits). Mais il est surtout devenu, en novembre 2020, le meilleur buteur de la sélection bolivienne avec 25 buts. Une trace indélébile qui a encore fait un peu plus rentrer Triple M dans le panthéon des grands joueurs de La Verde.
Alors peut-on espérer un meilleur parcours pour la Bolivie cette année ? La réponse est oui mais il ne faut pas attendre quelque chose de grandiloquent. Malgré les secousses en interne et l'incertitude sur l'état de forme des joueurs, la Bolivie jouera comme à son habitude, avec son cœur et ses tripes. Surtout que la mayonnaise semble prendre avec César Farías. "Les joueurs adhèrent au concept tactique proposé par le sélectionneur. Footballistiquement et humainement, les joueurs sont derrière lui", ajoute Thomas. Pourtant tout n'a pas été si simple au début : "Il a été très critiqué à son arrivée et il traîne quelques histoires derrière lui. Jusqu'à récemment, il était sur la sellette mais les derniers résultats arrachés montrent que les joueurs adhèrent à son projet". Si pour Thomas, la Bolivie ne devrait pas passer les phases de poules, "elle pourrait tout de même aller gratter un ou deux points, en tout cas je l'espère". Faire mieux qu'il y a deux ans et continuer de grandir afin de former la future génération qui toque à la porte des plus grandes nations du continent, voilà sûrement le projet bolivien pour cette Copa América.
Groupe B : Argentine, Bolivie, Chili, Paraguay, Uruguay.
Matchs : Attention l'heure indiquée est l'heure locale, il faut rajouter cinq heures pour la France.
Journée 1 : Paraguay vs Bolivie le lundi 14 juin à 21h. Journée 2 : Chili vs Bolivie le vendredi 18 juin à 18h. Journée 3 : Bolivie vs Uruguay le jeudi 24 juin à 18h. Journée 4 : Bolivie vs Argentine le lundi 28 juin à 21h.
Derniers Défenseurs tient à remercier sincèrement Thomas Allain pour sa disponibilité et son analyse. Vous pouvez retrouver Thomas Allain dans vos France Football ou vos SoFoot ainsi que sur Twitter : @ThomasAllain_.