2 Abos und 0 Abonnenten
Artikel

Bolivie : une sélection, un plan, deux équipes

Bolivie : une sélection, un plan, deux équipes

Depuis deux mois, plus de trente internationaux boliviens vivent dans une bulle, scindés en deux groupes distincts qui vont chacun affronter le Brésil, puis l’argentine en qualifications du Mondial. Un plan savamment réfléchi.

Enfin ! Après plusieurs reports, le continent sud-américain entame ce vendredi sa campagne de qualifications au Mondial 2022. Un rendez-vous aussi attendu que redouté du côté des Andes. La Bolivie aura la lourde tâche d’ouvrir le bal à Sao Paulo face au Brésil avant de recevoir le rival argentin mardi prochain à La Paz. Pour aborder ces deux rendez-vous à haut risque, la sélection andine a opéré un choix radical et surprenant. Face à ces deux géants sud-américains, le groupe bolivien sera composé de joueurs n’ayant pas disputé la moindre rencontre – amicale ou officielle – depuis le mois de mars, date à laquelle la Liga bolivienne s’est arrêtée !

LE RÊVE DE TOUT SÉLECTIONNEUR... Depuis que le confinement a sifflé l’interruption du Championnat, rien ne tourne plus vraiment rond sur les hauts plateaux. Le décès du président de la Fédération bolivienne au mois de juillet a laissé éclater des conflits en interne, écartant tout espoir de reprise pour le Championnat local. Au bord de la rupture financière, certains clubs ont remercié leurs staffs techniques, laissant les joueurs s’occuper eux-mêmes de leur préparation physique. Exception sud-américaine, la Verde (le surnom de la sélection bolivienne) est composée d’une majorité de joueurs évoluant dans le Championnat local, au contraire des autres nations voisines, tournées vers le Vieux Continent et l’amérique du Nord. Craignant de récupérer ses internationaux dans une forme désastreuse, le sélectionneur national César Farias a pris les choses en main en convoquant en plein confinement cinquante joueurs. À ses yeux, « chaque jour de travail perdu va à l’avantage de l’adversaire, on ne pouvait pas rester les bras croisés ». Alors, soucieux de « convertir chaque obstacle en opportunité », le technicien de 47 ans s’est offert l’occasion inespérée de travailler sur le long terme avec un groupe élargi. Le rêve de tout sélectionneur. Et en l’absence de toute compétition à l’échelle nationale, les clubs ont accepté de libérer leurs internationaux. Seuls deux clubs boliviens (Bolivar et Jorge Wilstermann) encore en lice en Copa Libertadores ont souhaité conserver leurs joueurs.

« DONNER UNE IDENTITÉ AU GROUPE » Finalement, trente-trois footballeurs se sont retrouvés encapsulés, prêts à consacrer l’intégralité de leurs journées au travail mis en place par le staff technique de la sélection, comme s’il s’agissait de leur propre club.

Testée tous les quatre jours contre le Covid, la délégation s’est retrouvée dans une bulle sanitaire totalement hermétique. Pendant deux mois, le sélectionneur et son staff ont pu prendre le temps de découvrir les joueurs sous une autre facette, loin des rassemblements habituels de quelques jours où tout va trop vite. « Ces moments nous offrent l’opportunité de donner une identité au groupe, analyse Manuel Llorens, le psychologue de la sélection. Nous avons pu travailler autour de domaines précis, comme la distribution des rôles dans un collectif ou la gestion des conflits. Nous avons cherché à développer la complicité et améliorer la communication. » Depuis deux mois, les journées sont rythmées par deux séances d’entraînement, accompagnées d’activités récréatives, comme des ateliers de percussions musicales. « Nous sommes dans un hôtel standard, poursuit Llorens. Pendant leur temps libre, les joueurs se reposent, jouent aux cartes, appellent leurs familles... L’idée, c’est de renforcer la cohésion de groupe. » Au-delà de l’importance réservée à l’aspect social, ce stage a permis au sélectionneur César Farias de transmettre sa vision tactique et d’enseigner sa philosophie de jeu à ses hommes, semaine après semaine.

LA VERDE ATTEND UNE QUALIF AU MONDIAL DEPUIS 1994

Avec sa délégation, le technicien a façonné une stratégie reposant en partie sur les recommandations du corps médical de la sélection. Médecin de la sélection bolivienne, Jaime Espinoza avance qu’après « six mois sans football, les internationaux boliviens ne peuvent pas être en condition optimale pour recevoir l’argentine à La Paz (NDLR : à plus de 3 600 m d’altitude) quelques jours après être allés affronter le Brésil », auquel cas ils pourraient souffrir des mêmes symptômes liés à l’altitude que leurs adversaires, « étourdissements, maux de tête, insomnies... »

Farias le sait : s’il veut s’offrir une chance de qualifier la Verde au Mondial – ce qui n’est plus arrivé depuis 1994 (élimination au premier tour pour sa troisième participation après celles de 1930 et 1950) –, il faudra se montrer souverain à domicile. « Mathématiquement, si nous gagnons tous nos matches à la maison, nous nous battrons pour jouer les premiers rôles », analyse-t-il. Perché sur les sommets de la cordillère des Andes, l’estadio Hernando Siles de La Paz fait trembler les sélections sud-américaines et reste incontestablement l’atout numéro 1 de la sélection andine.

UNE RÉPARTITION SELON

LES ORIGINES GÉOGRAPHIQUES

Pour Farias, il est inconcevable de recevoir l’argentine avec des joueurs affaiblis par leur voyage au Brésil. En se basant sur ces analyses et pour conserver les bénéfices liés à l’altitude, le technicien a décidé de former deux équipes totalement différentes : pendant que la première se prépare à affronter le Brésil à

Sao Paulo, la seconde est entièrement focalisée sur la réception de l’argentine quatre jours plus tard, à La Paz. Pendant ces semaines de préparation, Farias et ses assistants ont analysé le profil de chaque joueur, pour en dégager une tendance. L’équipe qui affrontera le Brésil ce vendredi est composée en grande majorité de Boliviens originaires des régions tropicales du pays et de jeunes ayant brillé lors du dernier tournoi de qualification olympique. Pour choisir ses hommes, le technicien s’est appuyé sur les tests physiques et les exercices réalisés

Une cinquantaine d’heures de travail tactique.

lors du premier mois de regroupement dans la ville de Santa Cruz de la Sierra, où le climat chaud et humide a permis au groupe de s’habituer aux conditions de jeu qui les attendent à Sao Paulo pour y défier la Seleçao. Pendant que la moitié des joueurs affrontera le Brésil, la seconde partie restera à La Paz pour se préparer à recevoir le grand rival argentin. Pour former ce second groupe, Farias s’est appuyé sur « trois grandes équipes du Championnat évoluant en altitude », de manière à disposer d’éléments « totalement frais et entièrement concentrés sur la manière de jouer en altitude ». Le sélectionneur, qui avait manqué de peu les Coupes du monde 2010 et 2014 lorsqu’il dirigeait le Venezuela, veut s’appuyer sur des techniciens capables de maîtriser des domaines précis tel que « l’utilisation du jeu à trois, la conservation du ballon », et possédant suffisamment d’expérience en altitude pour « savoir profiter des minutes les plus critiques pour l’adversaire ». Des notions qu’il a pris le temps de transmettre à ses joueurs au cours d’une cinquantaine d’heures de travail tactique et une trentaine de sessions de travail psychologique. Brésiliens et Argentins sont donc prévenus...