Orthodoxie
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Après ses remarques sur Mahomet, le patriarche de l'Église syriaque orthodoxe Ignace Ephrem Karim II a fait l'objet d'une tentative de destitution de la part de six de ses archevêques. Cette tentative ayant échoué, le Synode de l'Église orthodoxe-orientale cherche une sortie de crise interne. De préférence dans la discrétion.
Trop gentil avec l'Islam. C'est en somme ce que reprochent les six archevêques au patriarche, guide depuis depuis trois ans de cette Église qui se considère comme la plus ancienne communauté chrétienne hors d'Israël. Ignace Ephrem Karim II aurait " trahi la foi orthodoxe ". " Nous ne faisons pas de commentaires. Que Dieu vous bénisse. " La réponse du porte-parole de l'Église syriaque orthodoxe exprime le malaise qu'a produit cette crise interne. " C'est extrêmement sensible ", nous confie l'un des connaisseurs du dossier. Et le patriarche lui-même, lors d'une homélie en sa cathédrale Saint-Georges dans la vieille ville de Damas, parle d'un " problème sérieux ".
Ignace Ephrem Karim II est depuis trois ans le 122e successeur de l'apôtre Pierre, considéré par les syriaques comme le premier évêque de leur Église. Et il est connu pour ses positions fermes en faveur du dialogue interreligieux. Récemment encore, recevant une délégation interreligieuse, il insistait sur l'importance des " valeurs de tolérance et d'ouverture vers l'autre ", nécessaires " dans ce monde divisé par la violence et le fanatisme ".
Dans leur lettre datant du 8 février, ses contradicteurs lui reprochent surtout d'avoir dit lors d'une homélie que " Jésus est né pour les hommes, comme Mahomet est lui aussi né pour les hommes ". Des sources à l'intérieur de l'Église syriaque expliquent que cette phrase était destinée à des personnes musulmanes présentes à la liturgie. " C'est comme si l'on disait que Jésus voulait la paix comme Bouddha aussi voulait la paix ", dit l'un deux. Mais ce patriarche avait dans le passé déjà embrassé un exemplaire du Coran qu'on lui avait présenté. Selon les six archevêques, le patriarche ne méritait donc plus le titre de " défenseur de la foi " et ils menaçaient d'ordonner des évêques parallèles " si le patriarche poursuivait ses erreurs ", ce qui aurait conduit à un schisme interne.
Une majorité des autres membres du Saint Synode se sont alors précipités du monde entier pour rejoindre le Liban pour une réunion de crise (officiellement " réunion consultative ") durant laquelle ils ont unanimement exprimé leur soutient total au patriarche. Le coup d'état ecclésial avait échoué. " Les six évêques pensaient certainement avoir plus de soutien ", juge une source. La lettre des six, dont quatre sont également membres du Synode, et qui avait été publiée avec l'en-tête du Synode était, selon les autres membres, " non valide ". Les autres dix-huit membres présents suggèrent même au patriarche d'organiser une session extra-ordinaire du Saint Synode durant le Carême " pour étudier et discuter la situation " et demandent " des mesures ".
Les excuses exprimées dans une seconde lettre par les six archevêques, rédigée à la hâte, n'étaient " pas claires et explicites ". Cette affaire pourrait même mener à la destitution des six évêques, dont certains seraient impliqués dans des malversations financières. Les membres du Synode remercient les Eglises-sœurs pour leur " solidarité dans cette période difficile ", et invalident par ailleurs toute ordination future par ces six protestataires " sans l'accord préalable du patriarche ".
Pour le moment, l'Eglise ne communique pas sur la suite. Ni sur la tenue éventuelle de cette session du Synode, ni sur une rencontre secrète entre le patriarche et les six archevêques en Allemagne, où se trouvait le patriarche pour rencontrer l'archevêque catholique de Münich, le cardinal Marx. Le patriarche lui-même affirme que si l'on se montre respectueux pour le Coran, on montre du respect pour des centaines de millions de fidèles dans le monde entier. A l'intérieur de l'Église syriaque, on sait que le patriarche peut se montrer, en privé, critique vis-à-vis de l'islam. Mais " il s'agit également de protéger son peuple ", dit un connaisseur du dossier.
Vu le soutien massif que le patriarche Ignace Ephrem Karim II a reçu sur les réseaux sociaux partout dans le monde - grâce à des implantations de cette Église dans un grand nombre de pays - ce n'est apparemment pas seulement le patriarche qui protège son peuple, mais également l'inverse.